mercredi 6 février 2008

Un son venu d'Afrique



Malgré de tristes nouvelles, Manuel Wandji a reçu BBlack dans son studio, à la sortie d’une répétition. Quelle chance de rencontrer tout le groupe ! Et c’est avec patience et bonne humeur qu’il a pris le temps de nous répondre…

BBlack : Comment en es-tu arrivé au Djembé ? Ça a toujours été une passion ?

Manuel Wandji : Je suis né à Nancy et à 8 ans, je suis parti au Cameroun. Si pendant 20 ans j’ai vécu autant en Europe qu’en Afrique, c’est en Cameroun que j’ai eu le déclic même si le Djembé est plutôt un instrument d’Afrique de l’Ouest. Mes parents me racontaient qu’enfant, lorsque je voyais passer un défilé militaire, je courais pour voir les musiciens! J’ai toujours été attiré par la musique. Mon premier instrument était une batterie mais ça fait longtemps que je n’en ai plus joué. Et puis, je suis un artiste « touche-à-tout » (rires) ! Je fais de la musique, de la danse, de la production, de la compo, du chant… Je crée, quoi (sourire).

BB : Pour toi, c’est quoi le Djembé ? Est-ce un instrument parmi tant d’autres ?

M.W : Déjà, je l’ai découvert en France. Tu vois, pour moi, la musique et les voyages étaient déjà liés (rires) ! C’est un des rares instruments où tu peux ressentir toutes les vibrations. Tu as trois « frappés » de base : les toniques, les claqués et les basses. Les basses sont les sons qui portent le plus. Au Cameroun, ils communiquaient avant entre villages avec des Nkouls (troncs de bois évidés) et ils pouvaient les entendre sur 10-15 Km ! Et puis, l’Afrique est idéale pour un musicien car la musique est partout ; ce n’est pas comme en France où le bruit dérange ! Ici, la société est trop « intellectuelle », il manque ce côté relâché que l’on trouve dans des pays comme l’Afrique, le Brésil… Idéaux pour la musique et la danse.

BB : Faut-il une qualité particulière pour y arriver ?

M.W : C’est comme tout instrument. Le sens du rythme aide beaucoup (rires) ! Et puis du travail et l’envie de le faire.

BB : Penses-tu qu’il soit plus facile pour un homme de réussir dans ce métier assez fermé ?

M.W : Non, il y a aussi beaucoup de femmes qui jouent, et très bien d’ailleurs. J’ai deux copines qui ont ouvert une école de percu et elles assurent. Peut-être la condition physique joue sur la force du frappé mais les femmes peuvent développer des sons différents… C’est justement ce mariage qui est intéressant.


BB : Comment expliques-tu, que malgré l’effet de mode de la percussion chez les jeunes, ce soit un marché si peu développé par rapport à d’autres styles de musiques ?

M.W : C’est parce que ça n’intéresse pas les grosses boîtes. Maintenant, pour « réussir » dans la chanson, il faut faire Star Ac’, et tu vois, l’effet ne dure pas. Les seules voix féminines actuelles sont du genre Anaïs ou Camille. La musique française ne s’implante pas facilement ailleurs, alors que le Djembé a une personnalité internationale ! Et puis, il y a les opportunités publicitaires. Les concessions sont nécessaires pour que ça marche, mais c’est pas toujours dans le sens de la musique. La musique africaine, par exemple, doit être une vision post-colonialiste pour que ça marche ici. Regarde, le seul album d’Amadou et Mariam qui a marché en France est celui qui c’est le moins bien vendu ailleurs. Seule exception : Premier Gahou, qui a été un peu remixé mais qui est le seul titre à avoir gardé son langage propre et qui ait marché en France, alors qu’il cartonnait depuis longtemps en Afrique !

BB : Quel est ton quotidien ?

M.W : Quand je ne suis pas en tournée, je suis au studio. Je fais les allers-retours entre Besançon, Paris et les Etats-Unis. Paris est super car c’est la capitale de la « World-Music » ! Tu trouves tous genres de musiques et de très bons musiciens. D’ailleurs, la plupart des musiciens avec qui je joue sont parisiens. Mais les temps sont durs car le monde de la musique est en crise à cause des piratages par Internet. Le téléchargement devient carrément un nouveau marché commercial. On « est » notre musique et c’est dur pour un indépendant de s’en sortir. En cas de crise, on est les premiers à « gicler » ! On pensait, il y a 4-5 ans qu’Internet, était une bonne démarche de vente mais on s’est fait avoir ! En Afrique, à une période, on ne pouvait plus trouver un CD original et les gens n’avaient pas le choix; les copies arrivaient par containers entiers d’Asie. On était passé de 100 000 exemplaires vendus à zéro !! Du coup, on a créé un partenariat collectif appelé « Culture Mboa » qui fait avancer la sensibilisation sur le piratage. Il y a 15 présentoirs en Afrique qui proposent nos CD (les originaux !).

BB : Tu as aussi joué avec de grands artistes tels que Tom Jones, Manu Dibongo, Ben Harper…

M.W : Oui (rires). J’ai connu Ben Harper quand je bossais à Canal+. C’était sa première télé française. C’est quelqu’un de timide et on s’est « rencontré » sur la percu ! C’est le seul artiste avec qui j’ai passé plus de 20 minutes à accorder les instruments. Les autres ne se donnent pas la peine… Mais le plus gros de mon public reste quand même en Afrique.

BB : Ton dernier album est plus polyphonique que les trois premiers, plus adapté pour la danse, pourquoi ?

M.W : J’ai rencontré Lionel Bechir qui faisait partie du Techno-Tribal. Il aimait mon travail, mes sons et m’a demandé de bosser avec lui. J’aime créer de nouveaux sons et on n’est pas beaucoup à sortir du « traditionnel » avec le Djembé alors… Et puis c’est génial de mélanger les genres. La musique est faite grâce aux rencontres.

BB : Un petit conseil pour les jeunes qui voudraient se lancer ?

M.W : Se lancer, oser, foncer ! Même si c’est dur.

BB : Tes projets ?

M.W : On est un peu dans le brouillard là encore. On a eu une date annulée et deux bars sur Besançon ont fermé. Notamment un à cause d’une plainte faite par un artiste peintre ! C’est désolant. La France vieillie et se referme, les jeunes ne peuvent plus rien faire. Donc, entre la crise de la musique et les manques d’espaces pour jouer, c’est dur. Entre mes concerts, je vais essayer d’aller le plus possible aux Etats-Unis voir si je ne peux pas monter un autre groupe là-bas… Faire des rencontres encore pour pouvoir continuer…

Aucun commentaire: